vendredi 1 mars 2019

L’œil d’une citoyenne désolée


On dit souvent que pour connaitre un pays, il faut lancer un regard vers sa politique. Je ne vous assure pas qu’elle vous permettra de maitriser le pays de fond en comble, mais elle vous en dira quand même l’essentiel. C’est comme si elle était le reflet du quotidien du pays auquel elle appartient.
 La politique de mon pays s’inscrit dans cette logique ; observe-la de près, oui de très près et tu auras une idée sur mon pays, peut-être pas très exhaustive, mais tu en auras quand-même une.

Je viens d’un pays à qui Dieu a tout donné… oui il lui a tout donné… ses terres sont très riches… que dis-je ? elles sont immensément riches, elles contiennent de la bauxite, du fer, du diamant, de l’or, de l’uranium, du pétrole, du phosphate, du manganèse… Et oui c’est un « scandale géologique ».
Vous vous doutez d’où je viens ? Non j’en doute ! Je vais quand même vous aider à vous en douter.

Je viens d’un pays de l’Afrique de l’ouest où nombreux fleuves prennent leur source… Et oui c’est le « Château d’eau de l’Afrique de l’Ouest ».
« Scandale géologique », « château d’eau de l’Afrique de l’Ouest », ce pays n’est pourtant pas en mesure de satisfaire les besoins les plus primaires de la majeure partie de sa population.

Vous vous doutez d’où je viens ? Je suis sûr que oui ! je suis sûr que vous vous doutez que je viens de la Guinée.

Oui ! je viens de cette Guinée naturellement riche mais dont la plupart des habitants sombre dans une indescriptible pauvreté.

Oui ! je viens de cette Guinée, ce château d’eau où les habitants sont obligés de trainer des bidons de vingt litres en quête d’eau potable.
Oui ! je viens de cette Guinée où l’électricité fait un éternel va-et-vient à longueur de journée.

Oui ! je viens de cette Guinée aux routes dégradées, détériorées.
Oui ! je viens de cette Guinée où pour être employé, le « quelles sont vos expériences ou compétences » ne compte pas, mais plutôt le « qui vous a recommandé ».

Et oui, bienvenue chez moi ; chez moi où on t’emploie rarement pour tes compétences, mais toujours pour tes « relations ».
Oui ! je viens de cette Guinée où les communautés ethniques se considèrent mutuellement comme des ennemis. Cette rivalité ethnique guinéenne se retrouve même dans sa politique.

Je vous le disais tantôt, la politique de mon pays reflète sa réalité
Alors cette politique on en parle ?

Cette politique dont les partis ne sont pas des partis politiques en tant que tels, non! loin de là, ce sont plutôt des rassemblements ethniques.
Oui j’ai bien dit rassemblements ethniques ; quelle autre appellation pourrais-je donner à des partis où tous les membres appartiennent tous ou presque tous au même groupe ethnique.

Cette anormalité me brûle de l’intérieur, oui ça me fait mal de voir que chez moi on ne vote pas un candidat parce qu’on voit en lui l’avenir… Non, on ne vote pas un candidat parce qu’on voit en lui de l’espoir, parce qu’on le croit capable de bien diriger le pays, de régler ne serait-ce que la moitié des difficultés auxquelles nous sommes confrontés… Non, on ne vote pas un candidat parce qu’on voit en lui cette capacité aussi minime soit-elle de gérer à bien les deniers publics.
On ne vote pas en tant que citoyen préoccupé par le bien être de son pays ; bien au contraire, on vote en tant que membre d’un groupe ethnique, on vote dans l’intention de voir quelqu’un du même groupe ethnique que nous diriger le pays.

C’est désolant ! oui tellement désolant ! mais bienvenue chez moi.

Et on se demande pourquoi on n’avance pas, on se demande pourquoi on ne se développe pas. Mais comment pouvons-nous avancer avec de telles idéologies ? Comment pouvons-nous nous développer avec cet esprit ethnocentriste ?
J’ai beau chercher, oui j’ai beau analyser, mais je ne vois pas comment, je ne trouve pas comment se développer sans union, oui sans cette union qui fait la force.

Et ces politiques, on en parle ?

Oui je parle bien de ces hommes politiques qui au lieu de rassembler, préfèrent diviser pour régner.
Oui je parle bien de ces hommes politiques qui sont tous prometteurs et non réalisateurs.
Oui je parle bien de ces hommes politiques qui ont une telle soif du pouvoir qu’ils feraient n’importe quoi rien que pour l’avoir.

Alors Kôrô on en parle ?
Je parle du premier président venu par la voix des urnes ; de celui que les guinéens ont massivement voté en 2010 ; oui je parle de celui qu’ils ont encore voté en 2015.
De celui qui a gagné la confiance des guinéens au point de dire oui à son souhait de briguer un second mandat. Mais a-t-il gardé cette confiance ? j’en doute.
Oui j’en doute parce que nous sommes toujours dans les rues à la recherche d’eau potable.
Oui j’en doute parce que malgré les barrages hydro-électriques comme Kaléta, Souapiti, Amaria, nous sommes toujours confrontés aux coupures d’électricité fréquentes; pourtant on en vend aux pays voisins.

Je ne suis pas contre cette idée d’en vendre, non loin de là ; mais je pense que le fait qu’on se mette à vendre de l’électricité devrait supposer qu’on a une autosuffisance énergétique. Mais loin de là, à Conakry, pas besoin de voir une ampoule allumée pour se rendre compte qu’il y a le courant ; juste les cris, oui rien que les cris de joie de la population vous renseignent sur la venue du courant. Et parfois on n’a même pas fini de crier qu’il s’en va d’où il vient.

C’est injuste, oui injustement injuste : mais bienvenue chez moi. 

Vous me direz que son régime a connu la création d’infrastructures, d’hôtels un peu partout dans la ville. Certes oui mais pour qui sont-ils ? Nous guinéens ? Désolée mais j’en doute, parce que pendant que ces hôtels servent de décor dans la ville, il y’a un nombre incalculable d’SDF qui luttent contre vents et marrées en admirant de loin ces hôtels.

C’est injuste, oui injustement injuste : mais bienvenue chez moi.

Je doute qu’il ait gardé cette confiance du moment où là oui juste là devant ses yeux on insulte notre constitution sans qu’il ne pipe un seul mot. Je me souviens encore de cette phrase de l’ambassadeur de la Russie en Guinée comme si c’était hier : « les constitutions ne sont ni dogme, ni coran, ni bible. Les constitutions s’adaptent à la réalité, mais pas le contraire ». N’est-ce pas une ingérence ? pourquoi n’a-t-il pas réagi? Est-ce par peur que les relations diplomatiques se dégénèrent ? Ou est-ce parce que le fait que les constitutions ne soient pas dogme comme l’a dit M. Alexandre Bregadze ne le dérange pas autant que ça ? Au contraire est-ce parce que ça l’arrange ? J’espère que non, j’espère de tout cœur que non. Pour en être sûr, rendez-vous en 2020. 
 
Alors Kôtô on en parle ?

Je parle de cet éternel opposant ; de ce chef de file de l’opposition, de ce président du principal parti de l’opposition guinéenne.
Oui je parle de celui qui dénonce jour et nuit la défaillance du parti au pouvoir. Mais qu’est-ce qui nous dit qu’il n’en fera pas autant ou pire s’il devient président ?
Oui je parle de cet opposant qui dit qu’il ira jusqu’au bout, au risque de se sacrifier s’il le faut.

Oui je parle de celui qui organise des manifestations dans les rues, oui ces manifestations qui ont fait une centaine de morts, oui ces morts qu’il met sur le dos du pouvoir en place.
Mais est-ce réellement de la faute du pouvoir en place ? Est-ce le gouvernement qui demande à ces jeunes de sortir manifester dans les rues quitte à y laisser leurs vies ?

Pense-t-il à ces innocentes vies perdues dans les rues juste parce qu’il veut montrer son mécontentement ? Ne peut-il pas le montrer autrement ; oui autrement sans qu’une seule goutte de sang ne coule ?

Pourquoi ai-je l’impression que cette course au pouvoir n’est plus qu’un défi pour lui ? oui juste un défi ; j’ai l’impression que ce n’est plus une envie de changer les choses, que ce n’est plus pour faire prospérer le pays non ; peut-être que ça l’a été avant, mais plus de nos jours. J’ai l’impression qu’il est juste obsédé par ce défi qu’il veut à tout prix relever.  
Pourquoi ai-je l’impression que tous ces maux qu’il dénonce ne lui font pas autant mal que ça ?
Oui j’ai l’impression que s’il les dénonce c’est uniquement pour porter préjudice au gouvernement, oui qu’il le fait dans le seul et unique but de le décrédibiliser.

Alors Kaporo Rails on en parle ?

Quand est-ce que vous allez arrêter de tout politiser dans ce pays ?
Je vous rappelle qu’il y a aussi des dimensions humaines qui sont de surcroit les plus importantes.
Pensez-vous à tous ces gens qui sont dorénavant sans abris ? oui à ces gens livrés à la merci des intempéries naturelles ?

Vous Kôrô, oui vous l’actuel président du RPG, avez-vous oublié votre discours de 2016 ? N’aviez-vous pas promis que certes ils seront délogés parce que ces terres appartiennent au gouvernement mais certainement pas avant de leur avoir trouvé de nouveaux logements ? était-ce nécessaire de le promettre si vous saviez que vous n’alliez pas le réaliser ? Oui je sûr que vous en étiez conscient ; mais c’était quand même nécessaire de le promettre pour rassurer le peuple guinéen qu’il a fait le bon choix en vous réélisant.

Et vous Kôtô, oui vous l’actuel président de l’UFDG et chef de file de l’opposition, n’avez-vous pas entendu votre vice-président chargé des questions économiques Kalemodou parler ? N’avez-vous pas vu cette contradiction entre ce qu’il a dit et ce que vous avez dit il y a une vingtaine années de cela ?  Oui c’est contradictoire. Que dis-je ? C’est extrêmement contradictoire, parce que vous aussi vous étiez pour le déguerpissement des populations de Kaporo rails. Mais bien sûr comme l’actuel gouvernement s’y mêle vous éternel opposant vous ne pouvez que dénoncer.
Oui vous dénoncer mais pas parce que ces gens souffrent et sont sans abris, non loin de là. Tout ce qui compte c’est que vous avez là une occasion en or de saboter le pouvoir en place en disant que « c’est une honte pour le gouvernement ».

Au fond c’est clair que ces gens qui sont dans les rues ça vous ne dit rien, oui ces enfants qui sont sans abris en pleine année scolaire ça ne vous dit rien, vous en avez absolument rien à foutre.
Et pendant ce temps le reste de l’opposition se réuni autour d’une soi-disant convention.

Alors cette convention on en parle ?

Oui je parle bien de cette « convention de l’opposition démocratique », une convention prédestinée à l’échec ; oui j’ai bien dit à l’échec. Comment pourrait-elle perdurer si elle n’est basée que sur mascarade ; comment peut-elle tenir si le président du principal parti de l’opposition de surcroit le chef de file de l’opposition n’y a pas participé. Comment cette convention de l’opposition peut-elle résister face au pouvoir si les membres ne sont pas sur la même longueur d’onde. Tout n’est que manipulation… Oui ! pur manipulation.

J’en suis désolée ! Oui tellement désolée de toutes ces injustices sous mon regard impuissant.

J’en suis désolée ! Oui tellement désolée de toute cette désunion qui chamboule incessamment mon pays.

J’en suis désolée ! Oui tellement désolée de voir toute cette souffrance, supplice, peine, inquiétude… Ya redondance je sais ; mais il le faut, oui il le faut pour exprimer toute cette affliction de ma Guinée alors qu’elle a tout, oui tout ce qu’il faut pour être heureuse. 
 
Ceci est un regard désolant sur les réalités de mon pays…

Ceci est un regard exaspéré devant toute cette triste réalité…

Ceci est mon regard…

Ceci est l’œil d’une citoyenne désolée… 

1 commentaire:

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