Il est midi et le couloir de la mort de
l’université Cheikh Anta Diop ne compte pas autant de monde ce samedi que les
jours ouvrables. Dans ce couloir, se trouvent des jeunes qui offrent leur
service de photographe et d’inscripteur en ligne. Toujours fidèles à leur
poste, ce sont tous étudiants et anciens étudiants qui, grâce à ce travail,
gagnent leur vie.
Trouvé devant le VETO, des exemplaires de photographie en
mains, Seydina Sow ne cesse d’interpeller les usagers du Couloir « Psii
psii photo han ? » (Manière d’attirer les clients). Avec ses lunettes
qui le protègent contre le soleil, il fait d’incessants vas-et-viens entre la
porte du VETO et l’entrée du campus social juste en face, en quête de
potentiels clients. Ce jeune pour s’en sortir, allie ce travail et ses cours
de master 2 à la faculté de droit ; « J’ai besoin de ce travail pour
me prendre en charge. Pour trouver le juste milieu avec la fac, j’ai un emploi
de temps bien établi. Comme mes cours débutent à 17h, je travaille jusqu’à 16h
pour être à temps en classe. Mes leçons, je les revois la nuit avant de
m’endormir…D’ailleurs on est nombreux ici comme ça ».
Avec 500FCFA pour 4 photos et la même somme
pour une inscription en ligne, ce travail rapporte par jour entre 5000 et 7000
FCFA. Bon nombre de ces étudiants
avouent que ce boulot n’est que temporaire pour eux, pourtant, ceux qu’on a
rencontré y ont passé au moins deux ans « C’est
vrai que suis là depuis minimum 3 ans, mais je ne compte pas m’éterniser dans
ce couloir avec ce travail, c’est juste un passe-temps pour moi. Au lieu de
rester dans les chambres à faire du thé je préfère m’appliquer temporairement
dans ce métier. Comme le disent les Américains, Time is money ». Ajoute Seydina
en regardant incessamment de gauche à droite avant d’interpeller un nouveau
bachelier qui a besoin de 4 photos.
Obligés de quitter Seydina qui matérialise son slogan
« le temps c’est de l’argent », cap est mis sur le
campus social. Ici, ces jeunes sont également alignés avec des appareils photos au cou
et des fiches d’inscription en main.
Dans les escaliers du pavillon J, se trouve Bachir
Dramé, un étudiant au département d’histoire se faisant interviewer par des
étudiants en journalisme. Contrairement aux autres, il n’en est qu’à son 3èm
mois « C’est juste un travail passager pour moi, je vais même bientôt devoir
arrêter pour un temps parce que mes examens approchent. C’est seulement parce
que les bourses que nous recevons sont insuffisantes qu’on est obligé d’être
là.»
A un moment, il parle des difficultés
auxquelles ils sont confrontés notamment la saisie de leurs appareils par les
agents de sécurité. D’ailleurs, il trouve normal ces saisies car selon lui
« on est là mais on sait qu’on n’est pas dans la légalité ». Pile à
ce moment se pointe Seydina. A l’entente de la dernière phrase de Bachir, il s’oppose
« Non ce n’est pas vrai, ici c’est l’université. Nous sommes
étudiants et nous avons nos cartes d’étudiants donc nous sommes dans une totale
légalité ». A Bachir de contredire « En tant qu’étudiants, nous sommes
dans la légalité mais pas en tant que photographes ». dit-il avant de
redonner son attention aux apprentis journalistes
Commencer courtier pour
terminer photographe
De retour au couloir de la mort, Seydina Sow est toujours sur les lieux. Pendant la conversation avec lui, arrive un jeune homme
de taille moyenne accompagnée par une jeune fille, « elle veut 4
photo » lance-il avant de tourner le dos sans attendre une quelconque
réponse. La jeune fille est ensuite guidée par Seydina dans un coin qui le sert
de Labo. Il la fait asseoir sur une vielle chaise avant de prendre illico la
photo.
Pendant l’impression, il est questionné sur la fonction du jeune qui
accompagnait la cliente. Il répond qu’ils sont appelés dans leur jargon ‘’rangoumane’’
« NDLR : Courtier ». Leur travail consiste à aller chercher des
clients pour des photographes et comme salaire, ils reçoivent la moitié de la
somme versée par le client ; « Généralement on commence tous par être
rangoumane et c’est l’occasion pour nous d’apprendre vu qu’aucun d’entre nous
n’a pris de cours de photographie. C’est comme un chauffeur et son apprenti ;
on apprend auprès des plus expérimentés. J’ai moi-même été rangoumane pendant
un an avant d’avoir mes propres matériels. Après cette année, avec mon rappel
de bourse j’ai investi plus de 70 mille FCFA pour m’acheter une imprimante et
un appareil photo mais en l’espace de deux mois j’ai multiplié cette somme par
deux ».
Comme quoi ce travaille paye bien son propriétaire. Il sourit à
cette dernière remarque avant de donner les photos à la jeune fille et de
récupérer ses 500FCFA; « Time is money miss» dit-il encore mais cette
fois en nous tournant le dos et en agitant sa main en signe d’adieu.
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